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Sujet : Projet de décret visant à modifier l'annexe 1 de la Loi sur les espèces en péril (LEP) pour les loups de l'Est

Transmis le 11 décembre 2023 à Mme Paula Brand, Directrice, Service canadien de la faune, Environnement et Changement climatique Canada

Québec, 11 décembre 2023

Madame Brand,

La Fédération des Trappeurs Gestionnaires du Québec (FTGQ), organisme représentant près de 3 000 membres et reconnu par le gouvernement du Québec à titre de partenaire faunique concernant la gestion et l’exploitation des animaux à fourrure, vous interpelle aujourd’hui concernant le projet de décret visant à modifier l’annexe 1 des espèces en péril pour y inclure le loup de l’Est.

La FTGQ n’est pas favorable à ce changement de statut (d’espèce préoccupante à menacée) considérant les impacts majeurs que ce dernier amènerait auprès des piégeurs, sur la gestion de certaines espèces proies ou de mésoprédateurs, ainsi qu’en raison des pertes socio-économiques qu’un tel changement apporterait.

D’après les informations dont nous disposons, les populations de loup de l’Est seraient stables en Ontario et probablement en plus grand nombre que celles dont il est question dans le rapport du COSEPAC de 2015. Le rapport Identification génétique et répartition spatiale des grands canidés sauvages au Québec, produit au Québec en 2017 suite à l’analyse par le laboratoire du Natural Resources DNA Profiling & Forensic Centre (NRDPFC) de l’Université Trent des échantillons récoltés au Québec et provenant de 438 grands canidés, a permis d’identifier 4 regroupements génétiques distincts parmi les canidés sauvages : le loup gris, sous-représenté dans l’échantillonnage (0,7 %), le loup de l’Est (3 %), le loup boréal (C. lupus x C. lycaon, 27,8 %) et le coyote de l’Est (C. lycaon x C. latrans, 40,9 %), en plus des hybrides entre ces regroupements, lesquels représentaient plus du quart (27,6 %) de l’échantillon total. Avec seulement 3 % d’individus détectés (13/438), le Québec ne semble pas avoir une population établie et viable de loups de l’Est dans un contexte où le loup boréal et le coyote de l’Est dominent en nombre et influencent grandement le taux d’hybridation (plus du quart de l’échantillonnage). Comme les espèces de grands canidés en place peuvent s’accoupler entre elles et produire une descendance féconde, ce portrait constitue à notre avis une image réaliste de l’évolution dans le temps de ces espèces sur notre territoire.

Précisons qu’en 2018, le Québec s’est doté d’un plan de gestion des animaux à fourrure 2018-2025 qui permet un suivi et une gestion plus fine de ces espèces. Des bilans d’exploitation sont produits et mis à jour aux 4 ans. Les bilans produits pour la mise en place du plan de gestion et ceux qui sont en cours de mise à jour démontrent que les populations de loups et de coyotes au Québec sont stables, et ce, à des niveaux permettant les prélèvements actuels de l’ordre de 500-600 loups/an et d’environ 6 000 coyotes/an. Le changement d’inscription ou de statut du loup de l’Est entraînerait l’interdiction de piégeage du loup et du coyote puisque les 2 espèces sont présentes sur les mêmes territoires, à l’exception de la rive sud du fleuve Saint-Laurent et du Nord-du-Québec. À notre avis, il serait impossible de mettre en place une stratégie de capture vivante avec relâche des espèces non ciblées, considérant qu’il est impossible de confirmer l’identité des grands canidés visuellement.

Cela entraînerait à coup sûr un accroissement des problématiques de cohabitation humain-faune avec le coyote en raison de l’impossibilité de maintenir un prélèvement gardant ses populations à des niveaux socialement acceptables. Plusieurs situations de conflits, notamment en ville, s’observent déjà depuis plusieurs années.

Comme le piégeage est le plus important mode de récolte des animaux à fourrure au Québec, dont le loup et le coyote font partie, il est essentiel de préciser une spécificité en territoire québécois, c’est-à-dire que 75 % du territoire est constitué de réserves à castor, où le prélèvement est presqu’exclusivement réservé aux Autochtones. Le piégeage du loup n’étant pas dans les mœurs des Premières Nations, les réserves à castor constituent en quelque sorte un vaste territoire (1 175 000 km2) de protection pour les loups puisqu’ils y sont très faiblement exploités. En ce qui concerne la répartition géographique du loup boréal et des rares loups de l’Est au Québec, leur prélèvement potentiel relève plus des territoires structurés (135 000 km2), où le nombre de trappeurs est contingenté et l’intensité de la récolte est considérée modérée. Dans les faits, il ne nous semble pas envisageable d’interdire le piégeage des grands canidés au Québec, et ce, même localement ou régionalement dans le contexte des connaissances actuelles et des risques omniprésents d’hybridation.

En résumé, les populations de loup et de coyote sont actuellement bien gérées au Québec par le ministère responsable de la faune, ce qui ne nécessite pas, à notre avis, de mesures de protection ou de gestion supplémentaires dont les impacts négatifs à l’échelle québécoise n’ont pas été réellement évalués.

En espérant que notre bref argumentaire vous aidera pour la suite,Salutations distinguées,

Gaétan Fournier, directeur général
Fédération des Trappeurs Gestionnaires du Québec
 

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